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ANISSA BENSALAH, CHANTEUSE SANS FRONTIÈRES

L'INTERVIEW DU JOURNAL

Citoyenne du monde, réunissant à elle seule le Brésil et l’Algérie, l’Orient et l’Occident, Anissá Bensalah puise dans ses origines métissées, son enfance nomade et sa formation en musicologie pour composer. L’artiste polyglotte nous embarque à la croisée des chemins entre pop, rock, jazz et trad… Rencontre avec une musicienne talentueuse, débordante de vie.

Vos musiques se démarquent tant elles mêlent de styles musicaux et de langues. Quelles ont été vos influences, quelles sont les musiques qui vous ont bercé ?
Ma mère est brésilienne, on écoutait donc beaucoup de MPB (Musica popular brasileira), la musique populaire brésilienne. Et du côté de mon père qui est algérien, j’ai été bercé par la musique orientale au sens large. De la musique maghrébine, populaire ou classique mais aussi d’autres types de musiques orientales notamment libanaises parce que j’ai vécu au Liban. Mais petite, à la maison, j’écoutais aussi pas mal de jazz.

Vous êtes né à Haïti, avez vécu au Sénégal et au Liban, l’origine de vos parents et cette enfance nomade sont-elles à l’origine de votre désir de faire de la musique ?
Wow c’est une bonne question (rires) ! Oui, en fait ! La musique m’a permis de dépasser tous ces questionnements personnels identitaires. C’est le terrain où j’ai pu rassembler un peu tout ça : mon identité de métisse et de nomade. Inconsciemment, la musique m’a aidé à répondre aux questions que je me posais… Maintenant, c’est un peu plus clair pour moi tout ça !

Vous chantez dans 3 langues différentes, en arabe, en portugais et en français, comment choisissez-vous ? Comment composez-vous ?
J’écris toujours la musique en premier, la mélodie, l’harmonie. Après, je choisis la langue. C’est le moment où je me pose le plus de questions dans le processus de création. D’ailleurs, souvent, je teste les 3 langues sur une même composition rires, et je me dis « ah tiens, là l’arabe c’est vraiment mieux et là, le français c’est quand même mieux et voilà ».

Y-a-t-il la volonté de faire passer un message par le biais de votre identité métissée dans votre musique ?
Disons que ce n’est pas une démarche clairement politique, c’est juste qu’étant métisse et bien c’est ce que j’ai à proposer aux autres. Mais évidemment, ce sont des messages de  tolérance et d’ouverture d’esprit que je souhaite transmettre.

Vous avez une formation universitaire en musicologie, comment cela impacte t-il votre travail ?
Mon passage en musicologie à Paris XVIII à St Denis m’a permis d’avoir une écoute différente sur les musiques traditionnelles de mes deux pays d’origine, l’Algérie et le Brésil. Elle est devenue moins intuitive. En les analysant, cela a enrichi ma compréhension des musiques traditionnelles de mon enfance. Donc forcément, ça a eu un impact aussi sur ma musique et ma façon de composer.

Vous avez sorti un album intitulé « Sovaj » cette année, que signifie ce terme et de quoi parle cet album ?
Sovaj fait référence à un livre qui s’appelle « femme qui court avec les loups » de l’auteure Clarissa Pinkola Estés. Je le conseille à toutes les femmes ! C’est un livre qui parle de plusieurs contes du monde entier et qui analyse l’archétype de la femme sauvage. Dans ce bouquin, l’auteure soumet l’idée que l’image de la sorcière par exemple représente vraiment tout ce que les femmes en général ont de plus obscur à l’intérieur d’elles-mêmes. Cette obscurité serait le lieu de créativité, là où tout est permis, là où les choses sont un peu inconscientes. L’auteure dit bien sûr qu’il faut laisser émerger cette part là  présente en chaque femme pour que la créativité puisse s’exprimer pleinement. J’ai lu ce livre lorsque j’attendais mon premier enfant et j’étais habité par plein de questions, notamment sur la féminité, être une femme, porter un enfant… Tout ça m’a fait réfléchir et ça a été le fil conducteur de l’album. L’album parle de questions très féminines et aussi quelque part un peu féministes, (rires).

Vous avez repris un célèbre titre de Beyoncé que vous interprétez en arabe et en portugais, pourquoi ce choix ?
Lorsque j’étais enceinte, j’ai été confronté à des questions notamment sociales un peu difficiles à traverser, à assumer etc. Devenir mère et être une jeune femme artiste, donc une femme active, ça n’a pas été simple à défendre et ce morceau de Beyoncé m’a quelque part apporté du punch, de la force pour affronter cette nouvelle situation et se dire “bon aller maintenant, on va devenir une power girl ” ! J’ai donc fait cette reprise parce que je trouve ce morceau là très réussi. Mais aussi parce qu’à ce moment de ma vie, j’avais besoin de cet élan, de me dire “ allez, on est forte et on y va”. Le fait de le chanter en portugais et en arabe, c’était une façon de faire de la place pour une fois à des langues non dominantes, et aussi pour proposer une image de la power girl qui soit une femme normale, pas forcément riche et belle comme celles qu’on voit trop souvent à la télé… Comme d’ailleurs dans le clip de Beyoncé (rires) !

Quels sont vos projets pour la suite ?
Haha, un troisième album déjà ! Il existe déjà à l’état foetal et il est en train de pointer son nez. Et puis évidemment, avant le troisième album, on a toute la promotion et la tournée liée à la sortie de l’album Sovaj.

 

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