JOE BEL, LE RÊVE FOLK SOUL
L'INTERVIEW DU JOURNAL
À 30 ans tout juste, l’artiste lyonnaise Joe Bel a fait un sacré bout de chemin depuis sa première scène en 2013 : première partie d’Asaf Avidan, premier rôle au cinéma dans “Tout pour être heureux” et enfin, premier album, Dreams, sorti à l’automne dernier. Discrète et touchante, l’auteur compositrice interprète s’est façonnée un univers enchanté et intime, dans lequel folk et soul s’unissent avec élégance. Rencontre ouatée avec une artiste complète, fan de McCartney, Fela Kuti et Stevie Wonder.
Tu as attendu des années avant de te produire sur scène, quel a été le déclic ?
À 20 ans, j’ai pris conscience qu’il fallait que je fasse de la musique pour de bon et que je prenne ça au sérieux. J’ai pris le temps de finir mes chansons, de m’installer dans une nouvelle ville, de rencontrer des musiciens … mais je n’avais pas vraiment confiance en moi et puis, je n’étais pas sûre de vouloir imposer ça à d’autres ! Rires Puis, j’ai eu mon fils ce qui m’a permis de réaliser que j’étais quelqu’un de fort et que je pouvais me faire confiance. Si j’avais pu donner la vie, je pouvais bien faire un concert ! Finalement, ce n’est pas la mer à boire, quoique j’ai toujours le trac.Rires
En 2016, tu as joué dans “Tout pour être heureux”, qu’est-ce que ce film t’a apporté par rapport à ton parcours de chanteuse ?
Beaucoup de choses ! Au départ, j’opposais l’idée de jouer la comédie “faire hyper bien semblant” à celle de chanter avec sincérité. Au final, dans les deux cas, il faut se connaître par cœur pour savoir quel chemin emprunter, pour trouver l’émotion et la sincérité qu’il s’agisse d’une chanson ou d’un film. Finalement c’est ça un bon acteur.
Authentique, intime, simple… Tu te retrouves dans ces mots, ces intentions ?
Complètement, je crois que je voue un culte à la simplicité et l’honnêteté sans trop en faire… Je cherche toujours à être la plus directe possible, que la ligne entre moi et la chanson finale soit la plus droite, sans déco, sans fioriture.
On ressent des influences très folk et d’autres vraiment soul dans ta musique…
C’est marrant car je n’ai jamais écouté de folk, ça vient sans doute du côté fille qui a une guitare. Rires Dans la fabrication des morceaux et l’harmonie, il n’y a pas de référence à la folk américaine à proprement parler. Mes idoles sont plutôt Paul McCartney, Stevie Wonder et Fela Kuti, et moi je dois me situer quelque part au milieu de tout ça …
Ça veut dire que tu n’avais jamais fait de la musique avant avec d’autres ?
J’étais vraiment une espèce d’ermite avec la musique. Personne n’était au courant, même mes parents m’entendaient rarement chanter et jouer, j’attendais qu’ils partent pour le faire. Plus intime, tu meurs ! Ça n’appartenait qu’à moi. C’est pour ça aussi que ça a été dur ; j’avais gardé ça pour moi tellement longtemps que c’était flippant de le partager devant un public inconnu.
Après l’album, le cinéma, as-tu envie de te lancer dans un nouveau projet ?
J’ai tellement de chansons que forcément je pense à un nouveau disque assez vite. Car même si celui-ci vient de sortir, ça fait déjà un petit moment qu’il est fini. J’ai écrit 35 chansons depuis donc je trépigne d’en intégrer dans le live. J’ai aussi envie d’apprendre la comédie, de faire du théâtre. Depuis le film, j’ai envie de m’essayer à nouveau mais je voulais d’abord terminer l’album. Je fais aussi de la peinture donc j’ai envie de prendre du temps pour ça également.
C’est depuis ce film d’ailleurs que tu oses chanter en français, n’est-ce pas ?
C’est clairement cette reprise de « Salut les amoureux » pour le film qui a été le déclic. Je me suis entendue chanter en français et j’ai vu les gens dans le studio qui trouvaient ça cool. J’ai alors réalisé que j’avais quelque chose à faire avec ma langue. Ce qui peut paraître évident… Mais ma culture musicale est très anglophone et j’ai passé beaucoup de temps aux Etats-Unis donc j’utilisais l’anglais de façon instinctive. Avoir cette sorte de validation officielle en France dans le contexte du film ça m’a donné confiance. Désormais j’ai autant de chansons en français et en anglais qui me viennent.
Tu as enregistré ton premier album au Québec avec le producteur Marcus Paquin, collaborateur de longue date d’Arcade Fire, est-ce que ce travail avec lui t’as permis d’explorer de nouvelles pistes ?
Je suis allée une semaine avant l’enregistrement à Montréal pour qu’on se rencontre et qu’on échange au sujet des morceaux. Et comme j’écris et j’arrange tous les instruments, je suis arrivée avec des chansons qui étaient déjà très construites. Et donc ensemble on a repris tout ce qui existait, puis on a ajouté des cordes, que je n’avais pas prévu au départ parce que je n’osais pas je crois… Après on s’est un peu amusés, on a ajouté des petites touches, mais son travail a surtout été au niveau du son : quel micro pour quel rendu, comment on mixe l’ensemble…
Sur le morceau Dreams de l’album on entend la voix d’un enfant, celle de ton fils ?
Quand je faisais la maquette chez moi de cette chanson, il était derrière moi et me demandait de l’attention. Il jouait à un jeu et il voulait que je le regarde alors que moi j’étais dans ma bulle. Et cette chanson parle de ça justement : savoir être présent dans la vie auprès des gens qu’on aime tout en restant ce qu’on est. Moi je suis très rêveuse, créative, j’aime me réfugier dans mes pensées et j’ai du mal parfois à être dans le très concret de la vie. C’est une chanson assez intime qui parle de ça, et garder sa voix faisait sens avec la chanson.
Ta collaboration rêvée avec un artiste, ce serait avec qui ?
Ce serait Paul McCartney. Rires. Tu as dit rêvée hein ! Chez lui, justement il y a vraiment cette simplicité, cette évidence même, universelle, avec des chansons qui ressemblent à des comptines alors qu’elles sont en fait hyper riches et pleines de sens. J’adore ce double truc, profond et simple à la fois… Tu lui passeras le message ! Rires.


